On le disait en introduction, on voit deux “types” d’enjeux. Les enjeux sur un sujet donné, i.e. les aspects importants ou dignes d’intérêt sur un sujet. Exemple : la réforme fiscale de Donald Trump. Avantage : ils sont faciles à trouver : 3 articles sur le sujet et vous les voyez.
Deuxième type d’enjeux, on les a vaguement évoqué avec les “enjeux transversaux”, juste au dessus : les points de rupture d’un débat. Ils sont plus compliqués à trouver (et demandent un certain recul, une certaine expérience sur l’actualité). Mais en échange, ils ont un avantage : ils sont beaucoup plus statiques que les premier.
Comprendre : les premiers sont des enjeux plus “chauds” : une réforme fiscale, ça vaut pour quelques mois, éventuellement ça peut être un marqueur d’une présidence : ça nous intéresse bien sûr dans le cadre d’un concours, parce que ça dit tout un tas de choses sur un gouvernement, mais ça reste conjoncturel.
En revanche, les “enjeux-plus-larges” sont plus “froids”, plus statiques. Exemple : l’enjeu “éthique” de l’intelligence artificielle (une machine peut-elle décider de prendre la vie d’un humain, i.e. l’intelligence artificielle utilisée dans le militaire ?) est un enjeu beaucoup plus transversal qu’une réforme fiscale...et est bien plus “réutilisable”. (La question de l’éthique dans l’abattage des animaux, ou dans les décisions de justice (peine de mort par exemple)...c’est un monde fascinant : comment mettre de la “morale” dans les lois ? Et laquelle ? Et comment on se met d’accord ?)
Mais pourquoi est-ce qu’on a décidé de les appeler “points de rupture” ? Parce que leur principale caractéristique, on trouve, n’est pas d’être plus ou moins statiques ou même transversaux. C’est qu’ils touchent le point d’équilibre de débats. Et c’est en ça qu’ils sont super intéressants : ils mettent le doigt sur un désaccord entre deux visions.
Exemple : la réforme, en 2018, de l’ISF.
Parenthèse explication :
Résumé express de la réforme : on remplace l’impôt sur la fortune par un impôt sur l’immobilier. Avant, l’ISF (F comme Fortune) taxait, schématiquement, les patrimoines de plus de 1,3 millions d’euros, tous confondus : maisons, actifs financiers, comptes en banques, voitures (avec des exceptions comme les oeuvres d’art). L’IFI (I comme Immobilier) taxe désormais les maisons et c’est tout (et le gouvernement créé une taxe en plus sur les yachts et immatriculations de voitures de luxe).
Comprendre les enjeux de l’ISF, par l’économiste de l’OFCE plutôt de gauche Henri Sterdyniak, mais qui touche de manière assez objective les enjeux de l’ISF. (L’Obs, novembre 2016)
Faut-il le supprimer ?
Oui (Challenges, 20/10/17). L’ISF fait fuir les riches, ce qui pose deux problèmes. Un, ils ne paient plus l’ISF, mais pas non plus l’impôt sur le revenu, ce qui fait un gros manque à gagner pour l’Etat. Deux, ils n’investissent pas cet argent dans l’économie française.
Non (Marianne, 12/10/17). Pas du tout. Un, les études montrent que les riches qui partent ne partent pas à cause de l’ISF. Deux, la suppression de l’ISF et son remplacement par l’IFI ne va favoriser que quelques ultra-riches, créer un manque à gagner pour l’Etat et rien apporter du tout à l’économie.
Quels sont les enjeux derrière le débat ? (Parce que vous arrêter au débat ne vous mènera pas bien loin).
Il y a trois enjeux à voir derrière cet impôt.
La question du symbole VS l’efficacité
La question du financement de l’économie
La question de la taxation d’un flux VS taxation d’un stock (est-il juste de taxer un stock ?)
Mais focalisons-nous sur le premier enjeu : la question du symbole et de l’efficacité.
Schématiquement, la droite dit : le but d’un impôt c’est d’être efficace. Comprendre, efficace pour remplir les caisses de l’Etat. L’idée majeure, et défendue par le premier ministre, c’est que oui, la suppression de l’ISF va favoriser certains très riches, mais comme ça va faire rapatrier un certain nombre de gens qui vont repayer leurs impôts (sur le revenu par exemple) en France, le manque à gagner de la réforme sera en fait un excédent pour l’Etat, et de fait, tout le monde est favorisé.
La gauche dit : d’abord, ce n’est pas prouvé du tout que des riches vont revenir, et encore moins que leur IR va rapporter les 3 milliards que l’Etat perd avec cette réforme. Ensuite, il y a l’efficacité de l’impôt bien sûr, mais il y a aussi le symbole. Tout le monde doit contribuer à la caisse commune, y compris et surtout les plus riches. (L’ISF a été créé en même temps et pour financer le RMI (ex-RSA), on voit le symbole qu’il y a derrière)
L’enjeu est donc, à nos yeux, bien plus profond que le débat à deux francs six sous qu’on a vu dans les médias. Le vrai enjeu intellectuel de cette réforme était : un impôt doit-il être avant tout juste, ou efficace ?
Et on appelle ça un point de rupture, parce que 1) c’est là que les gens ne sont pas d’accord 2) il n’y a pas de réponse évidente. C’est là que le vrai débat commence. Et si vous arrivez, pendant votre entretien, à vous hisser sur cette tour-là, en expliquant que le débat sur la réforme de l’ISF se résume à la rupture entre deux visions philosophiques qui s’affrontent, l’une plaidant pour l’efficacité (nécessaire) de l’Etat, l’autre pour la justice (nécessaire également) de l’Etat, l’une prenant le parti du pragmatisme, l’autre celui de l’idéal...si vous arrivez à monter sur cette tour-là, et c’est la seule fois qu’on dira quelque chose comme ça avec une certitude pareille sur le Repaire : vous serez admis.
Parce que non seulement vous montrez les enjeux du débat (vous avez de l’esprit critique/d’analyse/de synthèse requis), mais en plus, vous avez la maturité de prendre du recul (maturité que n’ont pas 95% des intervenants dans les médias).
Maintenant attention. Voir ces “enjeux plus larges” ou “point de rupture” (on a du mal à les nommer)...c’est difficile :)
On y reviendra au chapitre 14, avec une sorte de “méthodo”, si on peut l’appeler comme ça, pour faire ça. Vous verrez, laisser les autres se cogner dans un débat inutile et prendre de la hauteur, c’est ce qu’il y a de plus passionnant dans ce qu’on vous apprend-là.
Trouvez l’ “enjeu-plus-large” de la thématique soulevée par l'article suivant (Allez toujours chercher l’enjeu derrière !). (ce n’est pas évident).
Richard Spencer, suprémaciste blanc tendance nazie et patron “d’Alt Right”, qu’on a vu en 2017 émerger sur la scène médiatique lors du rallye de Charlottesville, va parler à la University of Florida. (Slate, octobre 2017).
Enjeu : où doit-on mettre la limite à la liberté d'expression ?
Une université obligée par la loi de laisser parler un nazi, on se frotte les yeux. Et pourtant, le droit américain soulève un vrai enjeu. Où met-on la limite de la liberté d’expression ?
Aux US, la limite est simple : l’appel au meurtre, qui est interdit. Tout le reste (drapeau nazi, traiter quelqu’un de “sale nègre”, négationnismes en tous genres) est autorisé. Pourquoi ? Le sacro-saint First amendment (Wikipedia) qui découle directement de se rapport si sacré à la liberté outre-atlantique.
En France, le rapport à la liberté d’expression est tout autre (et notre Histoire n’est pas la même), et elle est plus encadrée : en France, le racisme ou le négationnisme sont un délit, punis par la loi (la fameuse “incitation à la haine raciale” (Wikipedia), ou pour prendre un exemple plus polémique, la loi Gayssot punissant le négationnisme).
L’enjeu soulevé par ce nazillon est donc tout à fait intéressant :
Où met-on la limite de la liberté d’expression, en terme de droit ? Peu de gens qui lisent cette revue de presse seront d'accord avec le fait d’arborer un drapeau nazi (ou du moins, on l’espère). Faut-il pour autant l’interdire ? N’est-ce pas limiter le droit de ceux qui veulent le faire ? C’est une vraie question, à laquelle les Etats-Unis et la France ne répondent pas de la même manière.
Ajoutons une dimension à cette réflexion : la venue de Florian Philippot, ex-numéro 2 du FN, à Sciences Po l’année dernière. Des étudiants avaient empêché le numéro 2 du Front National de prendre la parole à Sciences Po (Le Point, novembre 2016). On ne compare pas forcément Philippot aux nazis de Alt Right, mais l’enjeu est le même : faut-il permettre à tout le monde de s'exprimer, quelles que soient ses opinions (même si elles ne respectent pas les droits fondamentaux), ou peut-on combattre des opinions par tous les moyens ? On se souvient, dans la même lignée, de la polémique soulevée par la création de la section Front National, à Sciences Po, et de son baptême (section Jean Moulin) (FigaroEtudiant, mars 2016). Pour ceux qui préparent ce concours-là, il est bon de se familiariser avec ce genre de débats. ("Et vous, vous auriez donné votre signature à Front National Sciences Po afin que toutes les opinions soient représentées à l'école ? "...le genre de questions qui piquent, mais qui se prévoient).
Même exercice.
Contexte : manifestations de la gauche contre les ordonnances Macron, 2017.
Le président a lâché ça : “la démocratie, ce n’est pas la rue” (Le Monde, 20/09/17). Réponse de Jean-Luc Mélenchon : “c’est la rue qui a abattu les rois, c’est la rue qui a abattu les nazis.” (Ouest-France, 23/09/17) Où est l’enjeu-plus-large” ?
Enjeu : qui détient la légitimité démocratique ? Les représentants élus, ou le grand nombre des gens ?
Raison de la manifestation : 1) un désaccord de fond (comme toutes les manifestations de l'opposition), rien de nouveau 2) et c'est là que c'est intéressant, la gauche conteste la légitimité démocratique de la réforme. En clair : Macron a été élu non pas parce que les gens étaient d'accord avec ses idées, mais pour faire barrage à Marine Le Pen. Résultat : il n'a pas de légitimité démocratique pour faire ce qu'il y a dans son programme sans parler avec tout le monde. Le son de cloche du côté gouvernement : on a été élu sur un programme, on l'applique, ça s'appelle la démocratie. On voit l'enjeu se profiler : c'est une vraie question que de savoir d'où vient la légitimité des dirigeants. Des instances représentatives i.e. les assemblées élues ? Et s'il y a une majorité de gens dans la rue pour contester ?
Et évidemment, polémique. Au delà de la provocation du premier et de la réponse historiquement douteuse du second, l'enjeu qu'on soulevait à l'instant : la démocratie, c'est l'assemblée ou la rue ? Pour répondre à la question, "L'élection ou la rue", d'Alain Garrigou, professeur en sciences politiques à Paris Ouest (Le Monde diplomatique, octobre 2017). (Spoiler : c’est l’assemblée nationale et la rue.)
Ps pour appronfondir : une idée soulevée par la gauche pour concilier démocratie représentative et rue : le référendum révocatoire. Bref interview de Didier Maus, spécialiste de droit constit., dans Atlantico en 2013, résumant le pour et le contre de cette mesure.
Revenons un peu à nos enjeux de niveau 1 :) On a parlé des sources au chapitre 2, on vous en remet une petite couche, mais dans une optique d’esprit de synthèse cette fois.
Si vous voulez dégager les enjeux d’un sujet, il est important de choisir les meilleures sources pour le faire.
Alors on vous renvoie vers le chapitre 2 pour les sources qu’on aime “de manière permanente”, mais des fois, quand vous voulez comprendre un sujet en particulier, vous ne trouverez pas forcément un papier dessus dans les médias auxquels vous êtes habitués. Vous devez donc choisir parmi les autres. Et là, il peut y avoir des surprises en termes de qualité (on vous en parlait, les bons papiers explicatifs, par exemple, on en trouve partout).
Exemple : vous voulez comprendre qui est Mohamed Ben Salmane, le prince héritier d’Arabie Saoudite (on ne sait pas ce qu’on a avec l’Arabie Saoudite aujourd’hui). Voici deux articles sur lui, tous deux écrits en novembre 2017. (Les Inrocks, novembre 2017) et (20 minutes, novembre 2017). On n’a à priori aucune raison de choisir les inrocks ou 20 min sur le sujet. Le premier portrait est intitulé : “Qui est MBS, le “prince pressé” d’Arabie Saoudite ?”, le deuxième “MBS, l”homme “féroce” et “pressé” d’occuper le trône d’Arabie Saoudite”. Impossible de les départager. Sauf qu’en regardant d’un peu plus près, le premier paraît plus complet que l’autre, ou du moins, rend mieux les enjeux.
Le premier a pour sous-titres :
“Inconnu mais préféré”
“Petit séisme et long règne”
“le prince inconscient”
“pragmatique et pressé”
“le Yemen risque de devenir son Vietnam”
“Monarque absolu”.
Le second a pour sous-titres :
“il apparaît à la tribune en simple tunique blanche”
“le fils du roi Salmane et de sa favorite”
“un palais de 5000m2 dans les Yvelines”
A votre avis, qui des Inrocks ou de 20 minutes, rend sur ce sujet le mieux les enjeux de l’homme et de la situation du pays ?
A charge pour vous, par titraille interposée, de choisir ce qui est bon pour trouver vos enjeux.
Rapidement, la question des formats pour trouver les enjeux. Ecrit, audio, vidéo ?
Première chose : allez vers ce qui vous plaît. Deuxième chose : la mémoire. Certains retiennent mieux en lisant, certains en écoutant, d’autres en prenant des notes. Alors vous pouvez toujours faire des tests à la noix de ce type pour savoir (rien), en vrai il n’y a que votre expérience qui vous le dira.
Donc, faites-vous plaisir, et allez ce vers quoi vous tire votre naturel.
Une fois qu’on a dit ça, un peu de méthodo.
Si on devait faire un découpage un peu sauvage, on dirait qu’il y a d’un côté l’écrit, de l’autre l’audio et la vidéo. Chaque support a ses avantages, et si on est méthodique, on utilise chacun pour les avantages qu’il a.
L’écrit.
Le plus grand avantage de l’écrit, c’est qu’il permet une vision d’ensemble. Vous pouvez survoler un menu, un sommaire, un texte, et y trouver ce que vous voulez très vite. (Alors que pour une vidéo, il faut la regarder quasi en entier pour savoir si ce que vous cherchiez y était). On ne rentre pas dans les détail de la merveille qu’est votre cortex préfrontal, mais pour faire simple, vous avez la capacité de survoler des choses écrites et en tirer l’essentiel, de faire ce qu’on appelle la titraille. Qui est le tout premier instrument d’esprit de synthèse, et qui est essentiel pour voir les tendances d’enjeux apparaître.
La titraille, c’est merveilleux, ça permet de jeter un oeil à ça :
...et de savoir immédiatement que par exemple, dans le cadre d’une préparation à Sciences Po, le fait que l’humanité ait épuisé ses ressources dès le mois d’août est plus pertinent que les courgettes façon mini pizza (qui avaient quand même l’air pas mauvaises). Et vous pouvez très facilement hiérarchiser.
Alors cette hiérarchisation de l’info, base de l’esprit de synthèse on le disait, on peut le faire sur un site, que ce soit lemonde.fr ou Arte.tv, mais on peut aussi le faire dans l’article lui-même. Grâce aux sous-titres, ou aux phrases en gras (on le voyait à l’instant avec Mohamed Ben Salmane).
Exemple :
Le plan est apparent ! C’est merveilleux, un plan, ça permet en un coup d’oeil de savoir si le contenu vous intéresse ou non, ou vers où l’article va vous emmener.
Quand vous êtes sur l’audio ou la vidéo, vous avez des titres comme ceux-là :
Beaucoup moins drôle pour choisir si c’est intéressant ou non, même s’il y a vaguement une phrase explicative en dessous.
Conclusion : l’écrit a une propriété très intéressante : il permet d’avoir une vue d’ensemble sur l’actu du jour (on l’a vu plus haut), mais permet aussi d’avoir une vue d’ensemble sur un contenu.
La vidéo
Elle ne permet pas la vision d’ensemble mais a l’avantage de la pédagogie.
On prend l’exemple du Dessous des Cartes (et l’Arabie Saoudite, toujours) :
Vous vous rendez compte que décrire cette zone à l’écrit, dans un article ou dans un livre, est difficile. (Comment nommer la zone verte ? Le monde arabo-persan ? La péninsule arabique + le nord de l’Egypte et la côte libyenne + l’ouest de la Caspienne, l’Iran...on ne s’en sort pas). Là, sur Arte, vous avez un dessin, souvent animé, en plus.
Bref, pas besoin de dessin : la vidéo permet par exemple de comprendre des sujets complexes liés à la géographie ou géopolitique beaucoup plus facilement que l’écrit.
L’audio
Pour ce qui est de l’audio : la radio française présente l’avantage (sur le service public en tout cas) d’être vraiment de qualité. On peut s’en servir pour écouter 10 minutes les nouvelles de la journée comme on peut écouter des émission qui approfondissent tel ou tel sujet, on y reviendra, il faut simplement se souvenir d’utiliser la radio, on y trouve beaucoup de bonnes choses.
Conseil donc : en termes de support, faites votre potage à vous bien sûr, mais gardez en tête que chaque support a des avantages, à vous de vous en servir ! Et en matière d’enjeux, c’est souvent l’écrit qui l’emporte.
Dégager les enjeux consiste à hiérarchiser les aspects d’un sujet par importance
Pour les trouver dans un article, il faut entraîner son esprit de synthèse
Pour les trouver sur un sujet plus général, il faut croiser les sources
Trouver efficacement les enjeux, c’est aussi choisir les bons articles
Généralement, l’écrit est plus efficace exercer son esprit de synthèse
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