Dans la jungle du supérieur, il n’est pas toujours facile d’y voir clair sur les différentes possibilités. Alors quand en plus, pour un même type d’études, il existe plusieurs concours différents, ayant chacun leurs modalités spécifiques, cela devient encore plus obscure. Au Repaire, on est là pour vous aider à comprendre le supérieur et à mieux vous y orienter. Et comme notre spécialité c’est Sciences Po, zoom aujourd’hui sur un des concours permettant d’accéder à Sciences Po : le concours commun.
Installez vous confortablement, prenez un thé et des petits gâteaux, parce qu'on a beaucoup de choses à vous dire.
Les bases du « concours commun »
Si vous êtes là, vous le savez déjà, mais ça va toujours mieux en le disant : pour entrer dans un des onze Instituts d’Etudes Politiques, aka IEP, aka Sciences Po, il faut passer un concours. Dans le passé, chaque Sciences Po avait son concours. Mais depuis 2008, 7 IEPs ont décidé de se regrouper en un réseau et de proposer un concours unique, commun aux 7 IEPs, et que l’on appelle donc de manière très imaginative : « le concours commun ». Il permet d’entrer en première année dans l’un des 7 IEPs membres du réseau, à savoir :
- Sciences Po Lyon
- Sciences Po Rennes
- Sciences Po Strasbourg
- Sciences Po Aix-en-Provence
- Sciences Po Toulouse
- Sciences Po Lille
- Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, il y en a pour tous les goûts, gastronomiques et/ou climatiques. Sciences Po Paris, Sciences Po Bordeaux et Sciences Po Grenoble ont chacun leur concours individuel. On vous renvoie ici (lien vers la page de présentation) pour plus d’informations sur les autres concours.
Les étudiants doivent faire des vœux lors de leur inscription au concours, et en fonction des places disponibles dans chaque IEP et de leur classement, ils seront affectés dans un des IEP. On vous explique comment bien choisir son Sciences Po un peu plus bas.
Alors que Paris, Bordeaux et Grenoble ont récemment réformé leurs procédures d’entrée, en se passant notamment d’épreuves écrites, les 7 du réseau ont réaffirmé leur volonté de maintenir un concours basé majoritairement sur des écrits réalisés en condition d’examen. Les épreuves écrites ont lieu sur une seule journée, généralement autour du 20 avril, et sont au nombre de trois :
- La dissertation de Questions Contemporaines (3h, coef. 3)
- Le commentaire de documents en Histoire (2h, coef 3)
- L’épreuve de Langue Vivante (1h, coef. 1,5)
Vous rajoutez à cela vos moyennes de Terminales en LVA et LVB (coef 0,5) et dans vos deux spécialités (coef 1), de la levure, un peu de sucre en poudre, vous mélangez vigoureusement et PAF ! ça fait des Chocapics ! vos obtenez votre note au concours, qui détermine si vous êtes pris (chouette) ou non (pas chouette), et dans quel IEP vous êtes affecté.
On n’est pas là pour commenter le choix des 7 IEPs du réseau, mais force est de constater que ce choix de maintenir un concours écrit en conditions d’examen est assez fort dans le contexte de la refonte des procédures d’admission des autres IEPs : importance du profil de l’élève et de son dossier, dématérialisation de la procédure, oral d’admission, épreuves basées sur des compétences non scolaires (essais, commentaire d’images), etc.
Pour le concours commun, rien de tout cela. Et comme en fait, on est un peu là pour commenter le choix des 7 IEPs du réseau, on vous donne notre avis sur ce que ça veut dire pour vous :
- Même si une (petite) partie de la note est décidée par vos moyennes de l’année de Terminale, l’essentiel se joue lors des épreuves écrites. Un jour J important, qui comporte sa part de hasard. La plus importante, bien sûr, ce sont les sujets sur lesquels vous allez plancher. Mais il y a aussi un ensemble de conditions pratiques et matérielles qui peuvent jouer : est-ce que vous serez malade ou mal luné.e ce jour-là ? est-ce que les cheminots seront en grève (ne rigolez pas, c’est arrivé) ? est-ce que Vénus sera alignée avec Saturne en douze (c’est arrivé aussi, même si je n’ai aucune idée des conséquences…) ? Vous avez compris l’idée… A vous donc de faire en sorte que le hasard ait la plus petite part possible dans votre réussite. (On vous prodigue plein de conseils sur comment vous préparez dans cet article).
- Votre résultat au concours n’est pas forcément représentatif de votre profil global. Ce n’est ni bien ni mal, c’est comme ça. Vous pouvez être un.e excellent.e élève toute l’année, et raté complétement votre concours. Mais l’inverse est tout aussi vrai : vous pouvez être un peu juste, et très bien réussir le jour J, parce que les sujets vous parlent, parce que vous êtes bien luné.e et que Mercure est rétrograde avec la Lune… et surtout parce que vous avez bien préparé le concours, bien évidement avec le Repaire (instant promo) ! Pas d’excès de confiance ni d’autocensure donc.
Petit disclaimer : tous les IEP proposent également des concours d’entrée en deuxième, troisième ou quatrième année. Ces concours sont organisés individuellement par chaque IEP, et ouverts à des étudiants ayant déjà validé des années dans le supérieur. Nous ne traiterons pas dans cet article de ces concours.
Le concours commun en chiffres
Les chiffres, ça vaut ce que ça vaut, mais au moins vous aurez une idée des taux de réussite au concours, et de ce dans quoi vous vous lancez.
On se base ici principalement sur le rapport du jury de 2019, puisque ceux de 2021 et de 2020 ne portaient pas vraiment sur le concours commun (épreuves adaptées du fait du COVID), et que celui de 2022 n’est pas encore sorti au moment où nous rédigeons ces lignes.
Il y a environ 1150 places proposées chaque année dans les 7 IEP du réseau, avec la répartition suivante :
- Aix : 150 places
- Lille : 180 places
- Lyon : 220 (170 sur le campus de Lyon, 50 sur celui de Saint-Etienne)
- Rennes : 140 places
- Saint Germain en Laye : 100 places
- Toulouse : 180 places
- Strasbourg : 185 places
On voit donc une répartition géographique assez égalitaire, même si Sciences Po Lyon propose plus de places que la moyenne des autres IEP (mais sur deux campus) et Saint-Germain-en-Laye un peu moins (c’est le dernier arrivé !). A vous de prendre cela en compte lors de vos choix d’affectation (on vous aide à y voir plus clair juste en dessous).
Le nerf de la guerre : quelles sont les statistiques de réussite ? Il y avait en 2019 environ 9000 inscrits, ce qui donne un taux d’admission de 14%. Ces chiffres sont stables depuis le début du concours commun, hors crise sanitaire. En effet, en 2021, avec un concours largement revu et adapté à la situation sanitaire (une seule épreuve à domicile, plus grande part donnée au dossier des candidats), près de 14 000 élèves se sont inscrits au concours commun, ce qui a donné un taux d’admission d’un peu plus de 8%.
Concernant les notes pour être admis, là encore les choses sont stables depuis 2008 :
- Les admis sur liste principale ont généralement une note finale au-dessus de 12/20.
- Les admis sur liste complémentaire ont généralement une note finale entre 11,5/20 et 12/20.
Deux constats :
- On peut rentrer à Sciences Po sans avoir 18 de partout.
- On ne peut pas rentrer à Sciences Po si on n’a pas un niveau de base solide et homogène, la moyenne étant décidé sur plusieurs épreuves avec des coefficients proches (comme on l’a rappelé plus haut).
Concernant les filières/spécialités des élèves reçus, on ne peut vous donner les chiffres depuis la réforme du lycée de 2019, puisqu’on ne les a pas (encore). Mais quand le bac général était encore en série, les élèves de la série ES représentait une grosse majorité des admis (60% en 2019), les autres étant issus de la série S (28%) et de la série L (10%). Si on se projette sur les spécialités en place depuis 2019, on peut imaginer que, même si sur le papier toutes les spécialités sont possibles, la doublette SES/HGGSP doit probablement représenter la majorité des admis, d’autres combinaisons intégrant au moins l’une de ces deux spécialités étant également possibles (SES/Maths ; SES/HLP ; HGGSP/HLP ; SES/LLCE, HGGSP/LLCE).
Enfin, dernier chiffre qui peut être important : le taux de réussite à bac +0 et bac+1. En effet, le concours d’entrée en première année est réservé aux élèves passant le bac l’année du concours (bac+0) et à ceux ayant eu leur bac l’année précédente (bac+1). Or, si les néo-bacheliers représentent l’essentiel des candidats, la majorité des admis sont des bac+1, avec un taux de réussite de 25%. Ce n’est pas illogique, et cela démontre la nécessité de bien se préparer.
Maintenant, les chiffres, c’est comme les sondages : on leur fait dire ce qu’on veut. Mais au moins vous savez.
Comprendre quel profil d’étudiant cherchent les IEP à travers ce concours
Tout cela peut être intimidant. Mais pour avoir toutes ses chances, il faut aussi comprendre quel type d’élèves les IEP cherchent à recruter. Cela vous permettra de vous préparer intelligemment, et de développer tout au long de votre préparation les qualités attendues.
Les IEP forment à de très nombreuses professions, carrières, filières, jobs et autres activités plus ou moins rémunératrices. Derrière le cliché véhiculé d’être « l’élite de la nation », les étudiants qui sortent des IEP vont pour leur majorité occuper, à plus ou moins court terme, des postes de direction et d’encadrement (les fameux « cadres ») dans toute structure qui se rapproche plus ou moins à l’action publique (politique, administration, entreprise, cabinet de conseil, associations, et j’en passe). Les qualités reconnues des étudiants issus de Sciences Po sont leur culture générale variée (on dit souvent qu’ils sont bons en tout, mais spécialistes en rien), leurs capacités, de réflexion, d’analyse et de synthèse, qui doivent leur permettre de comprendre vite et bien un sujet pour prendre une décision, ou aider à la prise de décision. A travers le concours commun (et les autres aussi d’ailleurs), les IEP cherchent à recruter des élèves qui ont déjà ce type de profil (ce fameux « profil Sciences Po »), c’est-à-dire des élèves qui sont curieux, comprennent les grands enjeux contemporains et peuvent proposer rapidement une réflexion structurée et argumentée.
Concrètement, pour vous, quelles sont les implications ?
- Implication n°1 : le concours commun n’est pas un concours de celui qui a les plus grosses (connaissances). L’objectif pour vous n’est pas d’apprendre par cœur le Berstein et Milza en histoire, ou toutes les fiches de tous les manuels de préparation aux Questions contemporaines sur tous les sujets. Déjà parce que c’est chia…, et surtout parce que c’est une perte de temps. Les IEP ne veulent pas de rats de bibliothèque plongés dans les livres, qui connaissent de manière encyclopédique la vie de Napoléon. Le concours commun n’est pas un concours d’érudition. Attention, ne nous faîtes pas dire ce que nous n’avons pas dit : il y a une part importante et indispensable d’apprentissage de connaissances dans la préparation. Il faudra quand même ouvrir le Berstein et Milza, et jeter un coup d’œil à au moins un manuel de préparation, à la biblio et /ou aux cours du Repaire. Mais les connaissances que vous allez acquérir doivent vous être utiles pour construire une analyse.
Autre disclaimer : vous en saurez toujours moins qu’un.e autre. C’est un fait. Si vous préparez en groupe (et on vous le conseille), ou au moins que vous connaissez d’autres personnes qui préparent, arrivera nécessairement un sujet sur lequel vous serez moins calé.e. C’est normal, mais cela ne doit pas vous faire peur. Déjà parce que le concours n’est toujours pas un concours de celui qui a les plus grosses, et aussi parce que peut-être que votre copine connait le nom de tous les cosmonautes russes depuis Yuri Gagarine, mais cela ne lui servira pas à grand-chose si le sujet d’histoire porte sur Mai 68. On en revient à la même conclusion : des connaissances oui, mais qui vous sont utiles.
- Implication n°2 : le concours commun est d’abord et avant tout un concours de réflexion et d’analyse. Les correcteurs vont surtout évaluer vos capacités à comprendre les sujets qui vous sont proposés et à en tirer une réflexion et une analyse approfondies, et structurées. Vous devrez dès lors accorder autant, et peut-être même plus, d’attention et de temps dans votre préparation à vous entrainer à analyser des sujets, à en tirer des problématiques et des plans, qu’à apprendre des connaissances bêtes et méchantes. On insiste : les capacités de problématisation et de construction d’un plan (c’est-à-dire d’une réponse construire et argumentée à une problématique), sont l’un des critères, si ce n’est le critère, essentiel à la réussite du concours. Bien sûr, là encore, avoir des connaissances est absolument nécessaire à la maîtrise de ces qualités. On n’analyse bien que ce que l’on comprend, et on ne comprend bien que si on a les connaissances indispensables. Mais, au risque de nous répéter de manière lourde, les connaissances doivent nourrir une réflexion. Pour paraphraser de manière douteuse un adage populaire : « connaissances sans problématique pertinente et plan solide n’est que ruine de l’âme » (au moins).
- Implication n°3 : les qualités d’expression sont essentielles. Par qualités d’expression, on entend bien sûr la maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe de base de la langue française, dans un langage courant voire soutenu, mais également une certaine fluidité dans l’écriture. Inutile de chercher à devenir Molière ou Victor Hugo, vous n’écrivez pas le prochain Prix Goncourt. Simplement, maîtriser et utiliser à bon escient des choses simples comme les connecteurs logiques ou les subordonnées relatives est clairement nécessaire. On soignera donc le style, en évitant de faire des phrases de dix kilomètres (#Bourdieuesttonami), en étant précis et to the point comme disent les Américains, sans tourner autour du pot (comme disent les vieilles personnes). Enoncez clairement vos idées, utilisez un vocabulaire riche et précis. On sera également vigilant à travailler les transitions entre les parties et sous-parties, à l’aide d’introductions et de conclusions partielles, qui vont donner du liant. Bref, tout ce qui rendra plus agréable la lecture de votre copie aux correcteurs (qui en lisent un bon paquet !) sera bon à prendre.
En bref, à travers ce concours, les IEP cherchent à recruter des élèves qui comprennent les enjeux d’un sujet sans être des experts, savent en proposer une analyse réfléchie, construite et argumentée, de manière claire, fluide et précise. Ni plus, ni moins, et c’est déjà pas mal.
Les épreuves dans le détail
Epreuve n°1 : la dissertation de Questions Contemporaines (« QC » pour les intimes):
L’épreuve-reine, celle qui fait peur à tous les élèves. Le grand méchant-loup du concours. Mais c’est comme pour tout, avec de la préparation et un peu de chance, il est possible de très bien s’en sortir, et même de prendre du plaisir lors de cette épreuve (si si).
Commençons par dire ce que cette épreuve n’est pas : ce n’est ni une dissertation d’histoire, ni d’économie, ni de socio, ni de philo, ni de droit, ni de géo, ni de ce que vous voulez d’autres. Cette épreuve, c’est du pur Sciences Po : pluridisciplinaire, mais aussi et surtout transdisciplinaire. Aucune des branches des Sciences Humaines et Sociales (aka SHS) n’est à privilégier, toutes sont à mobiliser. Il faut donc maîtriser différentes approches, pour arriver à créer une analyse pertinente et personnelle. Pas facile, mais bigrement intéressant (ce bigrement vous être offert par l’amicale des vieilles expressions surannées). En bref, l’épreuve de « QC », c’est celle qui va montrer aux correcteurs si vous avez le fameux « profil Sciences Po ».
Comme les concepteurs du concours sont des chics types (et nanas, bien évidemment), ils vous proposent chaque année deux thèmes pour guider votre travail. Petit florilège des thèmes tombés les dernières années : la ville, la radicalité, les média, la révolution, les risques, le sport, la peur, etc. Inutile de faire la liste complète (vous pouvez retrouver les annales des sujets sur le site reseau-scpo.fr), l’idée est simplement de comprendre que ces thèmes sont, comme leur nom l’indique des « questions contemporaines », au sens où ils sont présents dans les débats politiques, et relèvent d’enjeux actuels. Cette année, les deux thèmes proposés sont « L’Alimentation » et « La Peur ». On vous propose une analyse de chaque thème ici et ici (articles à venir).
Pour cette épreuve, la méthodologie est celle de la dissertation de SHS, celle que vous travaillez dans vos enseignements de lycée. Evidemment, il faudra pousser la réflexion bien davantage que dans vos travaux de lycéens, mais la base reste la même : savoir analyser un sujet, en tirer une problématique, structurer un plan, développer vos idées de manière claire et précise, faire une bonne intro et une bonne conclusion. Tout ça, ça se travaille, et on vous donne nos conseils pour chaque épreuve juste après (#teasingdelespace#non).
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Comment se préparer à cette épreuve ?
Il va falloir faire une préparation spécifique sur chaque thématique. Cela suppose un travail relativement long pour appréhender chaque question dans sa globalité, et arriver à s’en sortir le jour J. Plusieurs pistes de travail sont à suivre:
- Analyser chaque thématique: pour cela, il va falloir décomposer chaque thème en sous-thème. Un bon moyen de réaliser ce travail est de jeter un coup d’œil dans les manuels de préparation que vous trouverez en libraire, et de relever les grandes entrées dans les sommaires. En les comparant entre eux, vous ferez émerger les grands enjeux de chaque question. Mais comme au Repaire, on est sympa, on vous a déjà débroussaillé le terrain : allez jeter un coup d’œil ici (à venir).
- Acquérir des connaissances: pas le choix. On vous conseille de faire des fiches par enjeux. Inutile de lire en entier toute la littérature scientifique sur chaque sujet : lisez certains bouquins, des articles de journaux, des BDs, regardez des vidéos, écoutez des podcasts. A vous de trouver le média qui vous parle le plus, le mieux étant de varier pour avoir une richesse dans les approches, et aussi éviter la monotonie et la lassitude. Vous trouverez une bibliographie sur le site du concours (qui est très mauvaise, soi-dit en passant). On vous propose la nôtre ici (à venir).
- Faire une veille sur chaque thématique : durant toute votre préparation, suivez l’actualité avec le filtre des deux thématiques activé, même lorsque vous ne travaillez pas spécifiquement sur les Questions Contemporaines. Tout évènement de l’actualité peut devenir un exemple pertinent. Cela travaillera votre capacité d’analyse, de synthèse, et votre aptitude à créer des liens. Vous vous ferez ainsi une banque d’accroche pour vos introductions, ou d’ouverture pour vos conclusions. Au Repaire, on vous propose une newsletter hebdomadaire dans cette veine. C’est ici pour la recevoir.
En parallèle du fond, il va falloir maîtriser la forme, c’est-à-dire la méthodologie. Plus vous vous en entrainerez à l’exercice, plus vous aurez de chances de le réussir le jour J. Pour cela aussi, on a quelques conseils, et c’est le cœur de ce qu’on propose dans nos prépas:
- Analysez des sujets (vous en avez plein sur internet, dans les manuels, dans les annales).
- Construisez des plans.
- Rédigez en condition pour savoir organiser votre temps.
Epreuve n°2 : Le commentaire de documents en histoire
L’épreuve-piège, celle qui ne faut pas prendre à la légère. Jusqu’au concours 2019, l’épreuve d’histoire était une dissertation, et à notre humble vie, c’est une excellente initiative que les concepteurs du concours ont pris en décidant de changer. C’est une épreuve très complémentaire avec celle de QC, qui fait appel à d’autres qualités tout aussi nécessaires pour être un bon « Sciences Po » : la culture historique, la finesse d’analyse, et l’esprit critique. Le programme est celui de Terminale : Les relations entre les puissances et les modèles politiques des années 1930 à nos jours et Histoire politique, sociale et culturelle de la France depuis les années 1930.
Le commentaire de documents est l’épreuve la plus difficile, mais aussi la plus intéressante, en histoire (précision utile: c’est un agrégé d’histoire qui vous parle). Souvent, les élèves pensent que, parce qu’il y a des documents, on peut se permettre d’être moins solide au niveau des connaissances. Grave erreur. Dans une dissertation, on peut toujours plus ou moins s’en sortir si on a révisé un tant soit peu, en faisant illusion, en baragouinant quelques connaissances qui nous reviennent et que l’on arrive à structurer un minimum. Rien de brillant à attendre au niveau de la note, mais sur un malentendu, ça peut passer (si vous n’avez pas cette référence, c’est qu’il faut réviser vos classiques). Avec le commentaire de documents, pas d’entourloupe possible : soit vous comprenez les documents et vous savez les expliquer, soit vous ne comprenez pas les documents, et vous ne savez pas les expliquer. Point. Il n’y a pas vraiment d’entre deux possible. La paraphrase, l’ennemi numéro 1 du commentaire de documents, n’est pas tolérée et fortement sanctionnée par le jury. Pour faire un bon commentaire, il faut donc non seulement maîtriser le programme dans sa globalité, ses enjeux, ses grandes problématiques et ses grands repères, mais avoir un degré de précision plus élevé que pour une dissertation, car les documents porteront sur un seul thème sur lequel vous devrez avoir des connaissances suffisamment précises et complètes pour analyser des documents avec un esprit critique. Prenons un exemple, issu du concours 2022 :
Le sujet portait sur « la politique de l’Etat français pendant durant la Seconde Guerre Mondiale ». Déjà, il aurait été fortement improbable qu’un tel sujet soit proposé pour une dissertation. A notre (toujours aussi humble) avis, dans cette thématique, on aurait plutôt pu s’attendre à : « La France pendant la Seconde Guerre Mondiale » ou « Deux Frances pendant la Seconde Guerre Mondiale », voire, plus précis : « La France sous l’occupation allemande ». On espère que vous voyez la différence entre ces sujets et celui proposé. Les deux documents qui accompagnaient le sujet étaient une affiche issue de la propagande vichyssoise, et le discours de Pétain devant la Haute-Cour de Justice en 1945. On ne va pas vous proposer une correction ici, mais relevons quelques passages issus du second document, qui prouveront notre propos :
« Le jour le plus tragique de son Histoire, c’est encore vers moi que la France s’est tournée » ou « Lorsque j’ai demandé l’armistice, d’accord avec nos chefs militaires, j’ai rempli un acte nécessaire et sauveur ». Sans une connaissance fine et précise du contexte politique et militaire de mai/juin 1940, impossible d’avoir un regard critique sur ces deux passages, et de comprendre pourquoi et comment la IIIème République s’est sabordée en confiant les pleins pouvoirs à Pétain.
Autre extrait : « c’est l’ennemi seul qui, par sa présence sur notre sol envahi, a porté atteinte à nos libertés et s’opposait à notre volonté de relèvement ». Là encore, il faut avoir une bonne connaissance de la politique de Vichy pour critiquer cette affirmation, et montrer comment l’Etat français a activement, et de son propre chef, organisé la collaboration avec les Allemands, sans juste parler de la Rafle du Vel d’Hiv.
Rassurez-vous, on ne vous demande pas non plus d’avoir fait une thèse sur chaque point du programme. Simplement comprenez que c’est une épreuve redoutable, mais qui peut vraiment faire la différence si vous l’avez bien préparée…
- Vous (inquiets) : D’accord, Benoît, mais komenkonfaiaalor ?
- Moi (serein): J’y arrive.
-
KOMENKONFAIAALOR ?
L’approche est la même que celle pour les QC, la préparation se divise en deux : le fond et la forme.
- On commencera par avoir une vue d’ensemble du programme (on dira plutôt des deux programmes), de comprendre les grandes césures, les grands enjeux, pour pouvoir rapidement situer le sujet proposé dans son contexte historique. Vous nous voyez venir : on a fait ça pour vous ici.
- Quels outils utilisés pour les connaissances ? Vos cours d’histoire du lycée constituent la base, mais il faudra aller plus loin. Un bon manuel nous semble pertinent pour approfondir les points importants. Le Berstein et Milza, classique parmi les classiques de la préparation à Sciences Po, reste une référence, mais plusieurs autres sont possibles. Comme pour les QC, variez les médias : vous trouverez plein de ressources sur Youtube, sur internet, dans les podcasts, pour approfondir le programme. Pour compléter la bibliographie (là encore assez…médiocre ?) disponible sur le site du concours commun, on vous propose une bibliographie complète ici. Surtout, trouvez ce qui marche pour vous, ce qui vous permet d’apprendre avec plaisir et de manière assidue.
- Un point particulier devra être porté sur les grands figures du programme, dont les discours sont largement utilisés par les concepteurs de sujet. On ne vous demande pas de connaître sur le bout des doigts la biographie de de Gaulle, Churchill, Nasser ou Bush Junior. Mais connaître les grandes lignes de leurs vies et de leurs actions est indispensable pour pouvoir replacer les documents du sujet le cas échéant. Faîtes des fiches par acteur.
- Enfin, pour maîtriser la forme, entrainez-vous. Trouvez des sujets d’annales (du bac, du concours), demandez à vos professeurs d’histoire de vous en proposer, ou bien rejoignez la prépa du Repaire ! Rien n’est plus efficace que l’entrainement et la répétition. Même si vous travaillez cette méthodologie au lycée, il faut se confronter aussi aux exigences du concours, qui sont bien plus élevées.
Epreuve n°3 : L’épreuve de langue vivante
Le vilain petit canard. Une épreuve bien souvent ignorée dans la préparation des étudiants, et c’est bien dommage. L’épreuve de LV n’est certes pas celle qui compte le plus, mais se planter à celle-ci peut être rédhibitoire. Chaque candidat.e choisit la langue dans laquelle il.elle veut être évalué.e, parmi 4 : anglais, allemand, espagnol, italien. Le niveau attendu est B2, c’est-à-dire celui que vous êtes sensé avoir en fin de lycée. Petit conseil : 90% des candidats choisissent l’anglais. Si vous maîtrisez une autre langue, n’hésitez pas à choisir celle-ci, cela pourra faire la différence.
Concrètement, l’épreuve est divisée en deux parties :
- Une partie compréhension écrite sur 6 points, consistant en des questions sur un texte.
- Une partie expression écrite sur 14 points, consistant en un essai (sorte de mini-dissertation de plus ou moins 300 mots) sur un sujet en lien avec la thématique du texte proposé en partie 1.
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Comment se préparer à cette épreuve ?
Les textes choisis sont la plupart du temps extraits de grands journaux, et traitent d’enjeux contemporains dans les pays de la langue choisie. De là découlent deux pistes majeures pour bien aborder cette épreuve :
- Lire la presse étrangère en VO. Toutes les semaines, faîtes une revue de presse des principaux titres nationaux dans votre langue, relevez les grands titres, les sujets d’actualité, les dossiers. Cela vous permettra à la fois de connaître l’actualité, mais également de vous familiariser avec la « langue journalistique », qui est parfois bien différente de ce que vous étudiez en classe. Inutile d’aller éplucher les petits publications (sauf si c’est votre came) : les grands canards feront l’affaire. Pour l’épreuve en anglais, un coup sur deux le texte est issu du Guardian, et quand ce n’est pas le Guardian, c’est le New York Times. Lire ces deux monuments journalistiques est donc un bon début.
- Avoir une bonne culture générale sur le pays de votre choix. Cela suppose d’aller au-delà des simples questions d’actualité : il faut connaître le système politique, les grands enjeux économiques, territoriaux, sociaux de chaque pays. Pas de chance pour les anglicistes : vous avez deux pays à connaître (Etats-Unis et Royaume-Uni). Pour les hispanistes qui se poseraient la question, les textes ne portent que sur l’Espagne, et pas l’Amérique Latine. Idem pour les germanistes, l’Anschluss n’ayant finalement pas été considéré comme légal, vous pouvez laisser l’Autriche hors de votre Lebensraum de travail.
Comment (bien) choisir son IEP ?
On ne va pas se mentir, le critère géographique est important. Choisir un IEP, c’est aussi choisir une ville dans laquelle vous allez rester pendant cinq ans pour faire des études, dans laquelle vous allez découvrir la vie étudiante, ses joyeusetés plus ou moins alcoolisées, ses déboires universitaires ou amoureux, ses logements étudiants avec toilettes partagées et autres colocs à 6 dans un 40m2, ses nuits de bachotage en BU et ses repas au Crous. La proximité de votre domicile familial est un atout non négligeable pour les lessives (et passer dire bonjour à votre maman quand même, ne soyez pas ingrats). Bien sûr, le coût de la vie et le climat ne seront pas les mêmes entre Lyon, Aix, Rennes et Lille. Tout cela doit compter dans vos vœux.
Cela étant dit, il faut également se pencher davantage sur ce que chaque IEP a à offrir. Disons-le clairement : tous les IEP se valent en qualité de formation, en particulier sur le tronc commun du premier cycle de 3 ans (équivalent de la licence). Celui-ci est organisé autour d’enseignement fondamentaux de SHS (histoire, sociologie, droit, philosophie, science politique), de langues vivantes et de cours d’ouverture au choix permettant de découvrir d’autres thématiques.
L’offre de Master est souvent assez proche également, mais comme le diable se cache dans les détails, il faut s’intéresser à ce que propose chaque IEP en termes de Master (on vous dresse une petite liste plus bas). En effet, sur le papier, il est possible de passer d’un IEP du réseau à un autre en 4ème ou en 5ème année pour aller faire un Master qui vous branche ailleurs : c’est ce que les IEP appellent la « mutualisation ». Dans les faits, c’est souvent la croix et la bannière pour obtenir sa mutualisation, car les IEP du réseau, même s’ils sont copains pour organiser un concours commun, le sont un peu moins une fois qu’il s’agit de garder leurs étudiants en Master (questions de concurrence entre établissement, d’attractivité et aussi de soussous). Concrètement, si vous voulez faire un Master en journalisme à l’IEP de Lille, mais que vous avez été admis à l’IEP de Rennes qui propose son propre Master en journalisme, il y a peu de chance que votre demande soit acceptée. Pensez également à regarder l’offre de double-diplômes, qui s’étoffe régulièrement dans tous les IEPs, et avec de plus en plus d’établissements étrangers. Précision : les double-diplômes ne sont très souvent pas ouverts à la mutualisation…
Un troisième facteur porte sur la politique internationale de chaque IEP. Comme vous le savez sûrement (et si ce n’est pas le cas, on est ravi de vous l’apprendre, mais il va quand même falloir vous intéresser un tout petit peu à ce qui vous attend dans les cinq années qui suivent la réussite au concours), la scolarité à Sciences Po comporte une année d’échange à l’étranger, et ce dans tous les IEPs de France et de Navarre (spoiler : il n’y a pas d’IEP en Navarre). Or, cette année se fait impérativement dans un établissement partenaire, et tous les IEP ont des partenaires différents. La carte des partenaires pour ces échanges varie grandement entre les IEPs, et soyons honnêtes, tous les Sciences Po ne se valent pas pour toutes les destinations. Vous rêvez d’aller faire votre année d’échange à New York ? Seuls Sciences Po Toulouse et Sciences Po Lille ont des partenariats avec des universités de la Big Apple. Quand on sait comme cette année de mobilité peut être un game changer dans votre parcours, c’est un point à ne pas négliger.
Dernier point : la valeur ajoutée de chaque IEP. Chacun des 7 IEPs a une spécialisation, un domaine dans lequel il a une plus-value, ou un avantage comparatif (Ricardo approuve ce message) par rapport aux 7 autres. Ce n’est pas écrit sur leur fronton, donc on va essayer de vous donner les grandes lignes pour chaque IEP. A vous de compléter avec vos propres recherches.
- Sciences Po Lyon: l’une des meilleures ouvertures internationales, avec une jolie carte de partenariats, et la possibilité de faire un DE (Diplôme d’Etablissement) supplémentaire, en 2 ans, sur une aire culturelle spécifique. La capitale des Gaules propose aussi des doubles-diplômes avec des institutions prestigieuses : l’EM Lyon (école de commerce), l’ESJ Paris (école de journalisme) et l’ENS de Lyon. Le campus de Saint-Etienne permet une spécialisation sur l’action publique territoriale (master AlterVilles et COPTER). Autre atout : Lyon est la plus belle ville du monde (#entouteobjectifivité).
- Sciences Po Strasbourg: depuis le déménagement de l’ENA (devenu INSP) à Strasbourg, rejoignant l’INET (Institut National des Etudes Territoriales), la capitale alsacienne est devenue un lieu majeur pour la préparation aux concours de la haute fonction publique (catégorie A+), et Sciences Po Strasbourg y tient une place privilégiée. Autre point fort de l’IEP : les questions européennes, avec pas moins de 6 masters sur ces enjeux (en droit, RI, finance) et quatre double-diplômes avec des universités européennes. Strasbourg joue à fond la carte de capitale européenne.
- Sciences Po Lille : l’IEP du Nord a plusieurs cordes à son arc pour faire oublier la grisaille. D’abord, la meilleure offre de double-diplômes de tous les Sciences Po, avec huit possibilités en Europe (Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, Hongrie) et deux avec des institutions lilloises : avec l’ESJ (journalisme), et l’EDHEC (commerce). Deux particularités : l’une des meilleures prépas de France pour l’agrégation de sciences éco, et un tout nouveau master Boire, Vivre, Manger, pour tous les passionnés de ripaille.
- Sciences Po Rennes : fidèle à la tradition bretonne d’infiltration de l’appareil d’Etat (le gouvernement compte fréquemment trois à cinq ministres bretons à des postes clefs), l’IEP de Rennes a longtemps été reconnu pour avoir la meilleure prépa à l’ENA en dehors de Paris. C’est toujours le cas aujourd’hui, même si Strasbourg lui tire la bourre, et Sciences Po Asterix dispose de l’offre la plus solide en politique publique et administration. Cela n’empêche pas les Rennais d’avoir aussi une belle diversité de programmes d’études : un programme intégré avec l’Allemagne et avec la Chine, des masters en lien avec les enjeux maritimes et agricoles, et un double-diplôme avec l’INSA (école d’ingénieurs).
- Sciences Po Toulouse : on ne va pas se mentir, il est plus difficile de trouver une vraie marque identifiable à la Ville Rose. La carte de Master est sensiblement identique à tous les autres IEPs, l’offre internationale existe mais reste dans la norme. On trouve tout de même des double-diplômes intéressants, avec l’INSA, avec Madrid et Bologne, ou avec la Toulouse Business School. On notera en particulier le master MIRO qui forme aux enjeux du tourisme culturel. Un point fort de l’école repose sur l’existence d’activités facultatives proposées aux étudiants du premier cycle, comptant dans les moyennes, et permettant de s’impliquer dans des activités pédagogiques, associatives ou culturelles avec une vraie reconnaissance de l’école.
- Sciences Po Aix : Aix attirera les étudiants intéressés en particulier par les questions de sécurité, de défense et de géopolitique, avec plusieurs masters dans ce domaine, et notamment un en partenariat avec le CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers). Il existe aussi une belle offre avec plusieurs écoles de commerce (KEDGE, SKERMA, AUDENCIA). Et puis Aix, c’est quand même le sud et la Provence, et rien que pour ça, ça vaut le coup.
- Sciences Po Saint Germain en Laye : le petit dernier de la bande tente de se faire une place dans une offre déjà conséquente. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la carte de formation en master est assez intéressante. Aux voies traditionnelles que tout IEP se doit d’avoir (prépa concours, journalisme, coopération internationale), l’IEP francilien propose plusieurs possibilités originales, grâce à sa proximité avec les grandes universités franciliennes, et notamment avec le campus de Paris-Saclay. On notera en particulier un double-diplôme sur les Data et les Humanités Digitales, pour les plus geek d’entre vous, deux masters autour des questions de paysage pour les plus hippies d’entre vous, et le plus solide volet « droit et carrières juridiques » des 7 IEPs, pour les plus dingos d’entre vous.
Voilà, on espère que vous y voyez un peu clair sur ce qu’est le concours commun et sur comment l’aborder. C’est une chouette aventure, et on vous encourage à vous lancer dedans.